Les expulsés de Brazzaville à Kinshasa : C’est l’ enfer quotidien

Article : Les expulsés de Brazzaville à Kinshasa : C’est l’ enfer quotidien
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25 septembre 2014

Les expulsés de Brazzaville à Kinshasa : C’est l’ enfer quotidien

Un campement fortuite en face de la Maison communale de Kinshasa (Ph. Lokole)
Un campement fortuite en face de la Maison communale de Kinshasa (Ph. Lokole)

Kinshasa n’en finit pas d’étonner plus d’un observateur. Les indicateurs indéniables du manque d’empathie et de philanthropie chez le Kinois sont au rouge. Ce peuple déroge à son sens d’altruisme et à sa solidarité légendaire. Cela s’explique par l’ indifférence absolue dont il fait montre à l’encontre de son compatriote expulsé de Brazzaville qui, sous le regard moqueur et sadique des passants, passe la nuit à la belle étoile, et ramasse injures et quolibets à la place d’une pièce de monnaie ou d’un verre d’eau. Si l’on traite ainsi l’arbre vert, qu’adviendra-t-il de l’arbre sec ?

Les conditions d’une vingtaine de familles refoulées de Congo-Brazzaville inquiètent et ne cessent d’interpeller les consciences les plus humanistes en raison de la vulnérabilité et de l’indifférence dont ces compatriotes sont l’objet de la part des autorités de la République Démocratique du Congo. Dès qu’ils ont foulé leurs pieds sur le sol de leurs aïeuls, nombreux ont ignoré que le pire pouvaient les attendre. En traversant la passerelle pour rejoindre le quai du Beach Ngobila, une bouffée de railleries et de reniements les ont accueilli en plein visage . Ne sont-ils pas les Citoyens du monde? Les Citoyens de la RDC? Sont-ils des apatrides?

Contemplant les vagues du fleuve Congo pendant la traversée, cette dame s’en doute de l’inconnu qui les attend de l’autre côté de la rive. Elle se permet quand-même de rêver, d’halluciner en prétendant par sursaut d’orgueil, qu’elle fait un  » come-back  » dans son pays d’origine. Le pays de Lumumba, Mobutu, Simon Kimbangu, Wendo Kolossoy, Grand Kalé, Papa Wemba… Que répondre à son enfant qui lui tire le pan de son pagne et n’arrête pas de l’enquiquiner avec des questions de savoir où ils allaient et pourquoi ils quittaient leur pays ( Congo-Brazzaville) en y laissant tout leur bien ?  » Nous rentrons chez nous, là où il fait beau vivre « , trancha-t-elle machinalement. Dieu seul sait si c’est exacte.

En attendant d’améliorer les conditions d’accueil et d’hébergement provisoire pour ces milliers de familles expulsées de la RDC, le Gouvernement de Kinshasa a quand-même aménagé des espaces dans les enceintes du stade Cardinal Malula (ex 24 novembre) ainsi que la cour de la maison communale de Kinshasa, qui ont fait d’office, des sites de transit pour accueillir  » ces zaïrois « . Mais alors, dans la crainte d’une promiscuité, les mêmes autorités  ont ensuite décidé de les éloigner du centre-ville en aménageant un nouveau site dans la périphérie de Kinshasa, plus précisément dans la commune de Maluku pour leur campement ( toujours provisoire).

Le comble en est que dans ce site l’on pouvait dire que tous les ingrédients étaient réunis pour que ces lesdits sinistrés, outre les traumatismes, les humiliations et autres traitements dégradants subis de l’autre côté de la rive, ne puissent pas survivre au-delà d’une demi-journée. L’accès à l’eau potable, aux soins de santé primaires ainsi qu’à l’approvisionnement en nourriture étaient un calvaire quotidien.

L’urgence impose. L’OIM (Organisation internationale des migrations), constatant l’incapacité du gouvernement provincial de Kinshasa de faire regagner quelques familles à leur milieu d’origine, leur est venu au secourir Kinshasa en assurant le retour des ressortissants des différentes provinces notamment, Bandundu, Bas-Congo, Equateur, Province Orientale.

Mais alors, on se bute à une autre difficulté qui semble une équation pour l’autorité en place. La vague de ceux qui se disent  » sans adresse  » ou  » sans famille « , ceux-la qui n’ont pas où aller. C’est l’épée de Damoclès. Les autorités leur ont contraint de vider les lieux, à en croire quelques sinistrés. Ils sont délogés de ce site manu militari. Au lieu de chercher comment les libérer de traumatismes causés par les abus physiques, sexuels et psychologiques endurer pendant cette période, on incruste davantage dans leur cerveau le stress, l’angoisse, la douleur et la souffrance. De toute les façons, un mort ne craint jamais un ver de terre, lance une dame.

Ne sachant quoi faire et où aller, ils se  décidèrent alors de revenir à leur case de départ, c’est-a-dire dans la cour de la maison communale de Kinshasa. Mauvaise décision? çà l’est pour le bourgmestre de cette municipalité. Dilemme cornélien. Héberger ces expulsés ou renflouer ses poches ? Un manque à gagner d’autant plus que la cour de cette municipalité est l’une des cours les plus prisée pour servir de  » funérarium « . Au minimum, trois à six deuils par semaine. Quelle bonne affaire! Des milliers des dollars à percevoir  chaque semaine que l’on doit perdre à cause de ces familles qui prétendent qu’ils n’ont pas des familles? Impossible!  Le capitalisme l’emporte sur l’humanisme.

Un campement de fortune en pleine rue à Kinshasa (Ph. Lokole)
Un campement de fortune en pleine rue de Kinshasa (Ph. Lokole)

Les pauvres! Ils sont une fois de plus boutés hors cette cour. Expulsés cette fois sur leur propre sol, et enfin, ils élisent domicile sur l’artère principale (Kabambare), à côté de ce stade qui les avaient accueilli autrefois en débarquant. Ils campent là où bon leur semble, vadrouillent  et sont forcés à la mendicité. 

Après la fine pluie de ce matin, impuissant et touché au plus profond de moi, j’ai quitté le lieu avec amertume en contemplant les bébés, les mineurs, les vieillards dormant à même le sol. Ils ont su apprivoiser la chaleur, braver la pluie, se familiariser avec la poussière, les moustiques, les cafards et les mouches.

Une situation critique qui fait que nombreux enfants n’ont aucune protection prônée par la Convention relative aux droits des enfants par l’Assemblée Nations Unies et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant.

Sur papier, la RDC qui s’est résolument engagée dans la voie de faire de la protection de l’enfant son cheval de bataille, en adhérant à la Convention N° 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi et à la convention 182 sur l’interdiction des pires formes de travail déroge à cette règle.

For God’s sake! Ce gamin  » damné «  dont le cri de douleur et de peur deviennent inaudibles au vrombissement des carrosses aux vitres fumées qui pasent, comme la plupart des enfants en RDC, n’ont aucune protection sociale, et cela froisse l’esprit de ces textes nationaux et internationaux. L’École est devenue pour eux un rêve brisé. Pour leur survie, ils ont pris d’assaut  Kamabare et quelques avenues du quartier où sont logées leur famille pour mendier et s’adonner à des petits travaux.  L’ exploitation, la prostitution, tel est le triptyque sur lequel s’appui à l’heure actuelle l’asservissement de plus d’une vingtaine de familles qui se meurent au vu et au su de tout le monde. Ça nécessite des soins urgents et spéciaux

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