« Ebamba. Kinshasa makambo », un roman qui draine scepticisme et optimisme
Exclusivité dans le panthéon de la littérature congolaise. Un roman écrit de bout en bout en lingala (langue parlée à Kinshasa) vide la problématique de publication d’ouvrages en langues locales africaines. Il s’agit du roman de l’écrivain congolais Richard Ali A Mutu intitulé « Ebamba. Kinshasa makambo (Lisolo) ». L’œuvre draine scepticisme et optimisme, critiques et éloges. Les casiques et les puristes se tournent les pousses. Entre ces deux approches un point d’équilibre est donc à trouver. Celui-ci peut se construire à partir de la diversité culturelle prônée par la Francophonie qui suppose le respect d’identités.
La Francophonie étant un ensemble des communautés culturelles partageant des valeurs communes, un idéal d’humanisme et de métissage, elle fait de la diversité culturelle et linguistique un dispositif clé pour son action malgré la mosaïque de cultures, de langues locales en Afrique, notamment en RDC où on dénombre 4 langues nationales et plus de 250 dialectes.
Présenté récemment à Kinshasa, « Ebamba. Kinshasa makambo (Lisolo) » est un roman de 92 pages publié aux Editions Mabiki de Kinshasa en 2013. L’œuvre a retenu l’attention de plus d’un observateur lors de la cérémonie de son baptême à l’Institut français de Kin-La-Belle.
Baptisant le roman, le Pr Manda Tchebwa a indiqué que celui-ci « est le symbole de l’éveil patriotique congolais et la fierté nationale » en souligant que le Gouvernement congolais est préoccupé de favoriser une reforme en ce domaine en vue de « promouvoir », de « revaloriser » et de « s’approprier » de ses langues locales.
Il a, par ailleurs insisté sur la nécessité de la mise en place des dispositions constitutionnelles et législatives lesquelles assureront la protection et la promotion des langues vernaculaires, plus particulièrement dans le domaine de la littérature et des arts.
De son coté, M. Richard Ali, l’auteur du livre, a relevé que ce roman « décalque ou photographie les mœurs kinoises à travers sa plus belle langue » avant de poursuivre qu’il déballe les différentes réalités ainsi que phénomènes qui caractérisent cette ville » spectacle » et « tentaculaire ». Ainsi, l’oisiveté, l’ambiance festive, l’alcoolisme, la délinquance, le chômage, le mariage, la débauche, l’occultisme, la prostitution juvénile, l’homosexualité y sont dépeint dans un style pittoresque et un langage sobre et limpide. L’auteur fait promener le lecteur au plus profond de Kinshasa, dans les tunnels et ruelles des quartiers populaires, dans les vacarmes, les combines, les mystères et méandres de la ville » fantôme ». Peindre les mœurs, Jean-Baptiste Poquelin, dit » Molière » en avait bien la manie. Et Richard est né également dans ça, a lancé un observateur.
En réponse à la question sur la motivation de l’auteur d’écrire dans une langue locale ce qui constitue pour les sceptiques un » enclavement géographique » auquel ces derniers soutiennent avec le maxime latin « Quinque suum » (premièrement les siens) pour dire que ce livre est destiné aux seuls locuteurs de lingala. Richard a balayé d’un revers de main cette thèse en affirmant, certes, que la langue française est un trait d’union pour communiquer avec le monde extérieur. Mais, en écrivant dans sa langue maternelle, il a pris en compte l’idéal d’humanisme et de la diversité linguistique prôné par la Francophonie dans laquelle aucune primauté linguistique n’est admise à l’instar du Commonwealth.
Il n’y a pas de conflit de cohabitation entre cette langue et celles dites locales, dixit Ali en soulignant qu’écrire ou parler en sa langue locale est « une option dans la francophonie pour se décomplexer de cette hégémonie linguistique ». » C’est une révolution culturelle où les différentes civilisations multiplient leurs échanges dans un dialogue réciproquement fécondant », a-t-il dit, avant d’affirmer que ce qui s’impose est le » dialogue des cultures où chaque peuple, civilisation et langue, recevant et donnant en même temps, pourrait parvenir au développement durable et épanouir sa dignité « .
L’écrivain congolais Didier Mumengi, présentant l’ouvrage, a, pour sa part, félicité et encouragé le jeune auteur en indiquant que la nécessité s’impose de « recourir à l’authenticité » et s’attacher aux langues vernaculaires pour affirmer son identité culturelle et historique ainsi « bâtir » une culture congolaise. Il a relevé que les linguistes défendent que pour bien maîtriser une quelconque langue étrangère et combattre les interférences linguistiques, il faut commencer par maîtriser la sienne. Il a, par ailleurs fait savoir à l’assistance les enjeux de la diversité linguistique soit du multilinguisme qui est « consubstantiel » à la Francophonie tout comme à l’édification de la civilisation et de l’histoire. Un peuple qui abandonne sa culture ou sa langue se nie et perd ses repères ou sa personnalités, a dit M. Mumengi en interpellant le Gouvernement de fournir les efforts pour une politique de la promotion des langues locales au niveau elementaire de l’éducation.
Ce forum, rappelle-t-on, est un espace de dialogue interculturel qui favorise un troisième type de dialogue qui est celui de cultures. Celui-ci est instrument incontournable de la compréhension mutuelle entre les peuples, et est indispensable au développement équilibré de chaque entité culturelle, linguistique et religieuse du monde pour asseoir la paix. Ce dialogue de cultures n’est possible que dans un contexte de partage de Co-développement. Ce dans ce cadre que Xavier affirma que « les différences, les différends parfois même, permettent d’établir un dialogue fructueux entre diverses cultures, de l’enrichir mutuellement, ce que ne pourrait réaliser une langue parlée à un simple niveau national ».
Commentaires